Conference - Association WICH - Femmes cadres - Soins et santé

Le tuyau percé ou la perte de talents féminins

3 décembre 2024

Le domaine social et de la santé est celui qui regroupe le plus de femmes* actives, soit près d’un quart de ce groupe1.

Tous genres confondus, les métiers de la santé sont à 79% occupés par des femmes*2. Pourtant, les postes à responsabilités sont majoritairement occupés par des hommes, avec moins de 20% de femmes* aux positions de top management et moins de 40% de femmes* aux postes de cadres supérieurs. C’est ce qu’on appelle le phénomène du tuyau percé (« leaky pipeline » en anglais), thématisé depuis plusieurs années dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, et des mathématiques (STEM).

Selon la sociologue française Danièle Kergoat, il existe une division sexuelle du travail3 qui repose sur deux principes: celui de séparation, mettant en lumière la différence entre un travail d’homme et un travail de femme*, et celui de hiérarchisation, illustrant la valeur accordée à un travail d’homme versus celle accordée à un travail de femme*. Non seulement les femmes* peinent à accéder aux fonctions fortement valorisées (du point de vue financier mais également symbolique), mais elles se regroupent également dans des catégories de métier bien précises (celui de la santé et social comme dit précédemment, mais aussi le commerce et l’enseignement). Par exemple, les femmes* médecins faisant carrière dans un hôpital universitaire tel que le CHUV parviennent difficilement à atteindre les positions hiérarchiquement supérieures (ségrégation verticale) mais elles sont également davantage représentées dans certaines spécialisations telles que la pédiatrie, la psychiatrie ou encore la gynécologie-obstétrique (ségrégation horizontale), domaines longtemps peu considérés par les médecins hommes4.

La difficulté à accéder à des fonctions à responsabilités pour les femmes* représente à la fois une discrimination que nos institutions se doivent de combattre par le biais de différentes mesures et actions, mais également un risque important pour l’attraction et la rétention de talents féminins, dans un secteur où la pénurie de personnel est importante. Quelle prise en charge pour les patient∙e∙s si on se prive d’une telle main d’œuvre qualifiée, loyale et motivée? Ce n’est donc pas par pure idéologie féministe mais également par pragmatisme et engagement envers nos institutions qu’il devient urgent d’agir, dans l’intérêt de toutes et tous.


1 Source: OFS – Enquête suisse sur la population active (ESPA), 2020
2Numerus de l’Etat de Vaud sur le personnel du secteur de la santé, janvier 2024
3Kergoat D., Division sexuelle du travail, in Bihr A., Pfefferkorn R., 2016, Dictionnaire des inégalités, pp. 113-114, Paris, Editions Armand Colin
4Source: Deriaz S., Bridel Grosvernier L., Tissot J-D., Profession médecin: choix et perspectives selon le genre. Revue Médicale Suisse 2010;6:1438-1442