
Se motiver ensemble pour construire ensemble
D’après vous quels seraient les besoins des femmes* cadres aujourd’hui dans la santé?
Carole Richard: Plusieurs niveaux doivent être considérés. Avoir accès à un équilibre vie privée-vie professionnelle, l’accessibilité des postes de cadres, oser postuler à cette fonction, se donner ce droit et ce pouvoir sont des besoins ressentis par les femmes* aujourd’hui. Il y a aussi le besoin d’un accompagnement une fois que l’on devient cadre.
Noémie Boillat Blanco: De même, il y a aussi la nécessité d’avoir des équipes de cadres mixtes. Le manque de mixité se ressent dans la manière de manager les services, les décisions qui sont prises, les prises de position en public. Je collabore avec beaucoup de femmes* dans mon activité de recherche, mais j’interagis principalement avec des cadres hommes dans mon activité clinique. Les représentations, les attentes et les interactions sont très différentes.
Est-ce qu’il y a des moments cruciaux pour accompagner les femmes* cadres?
Carole Richard: Après quelques mois de la prise de fonction, c’est idéal, juste après la découverte des débuts. Quand les femmes* cadres commencent à percevoir l’ensemble de la mission, l’ensemble des charges mentales qui leur incombent. C’est un accompagnement qui peut prendre la forme du marrainage, du coaching ou autre, selon le besoin ressenti. Mais surtout un accompagnement sur la posture de cadre.
Noémie Boillat Blanco: En effet un accompagnement sur la légitimation de notre poste pour ne pas devoir prouver qu’on est encore meilleure et qu’on arrive à faire plein de choses à la fois.
D’après vous quels sont les défis qui attendent les femmes* cadres dans la santé, dans nos institutions?
Carole Richard: C’est d’atteindre une égalité de cadres hommes-femmes en fonction de ce qu’est la profession. Par exemple dans la profession infirmière il y a 80% de femmes, mais quand on monte en hiérarchie cela s’inverse, il y a beaucoup moins de femmes* cadres que d’hommes. Le défi est donc de promouvoir l’accessibilité au statut de cadre sans notion de genre.
Noémie Boillat Blanco: Ce serait aussi de repenser l’organisation des services et le management d’une autre manière. Nous sommes actuellement dans une période intermédiaire, où on commence à avoir plus de femmes* cadres. Les femmes* cadres aujourd’hui s’adaptent au management qui a été porté par les hommes et dans lequel on a grandi. Leur défi sera de trouver de nouveaux modes de management qui leur correspondent mieux.
Carole Richard: Ce sera aussi d’initier de nouveau modes d’organisation qui permettent l’accessibilité aux postes de cadre des femmes*.
Noémie Boillat Blanco : Et d’oser voir le management d’une autre manière, faire des propositions qui permettent un changement de fond et qui amènent une autre vision.
Carole Richard: Souvent on ne pense qu’au temps partiel, mais c’est toute une organisation qui doit être repensée.
Noémie Boillat Blanco: Pour les générations futures c’est aussi de vivre professionnellement de manière plus alignée avec ce qu’elles vivent dans la vie privée. Les hommes ont moins ce clivage entre les deux sphères.
Si vous deviez décrire l’association aujourd’hui en quelques mots clés, quels seraient-ils?
Carole Richard: Sororité, développement, femmes*
Noémie Boillat Blanco: Soutenant, inspirant, motivant, ensemble. Se motiver ensemble pour construire ensemble.
D’après vous comment une association comme WICH vous aurait-elle aidées dans votre parcours?
Noémie Boillat Blanco: L’identification. Autrefois je ne pensais pas qu’être cadre était une option dans ma carrière. Il n’y en avait pas, on n’en voyait pas autour de nous. On ne peut pas vouloir ce qu’on ne voit pas. De voir qu’il y a des femmes* cadres équilibrées et qui font envie, fait prendre conscience que c’est une option dans la panoplie de nos possibilités professionnelles. Bénéficier du marrainage m’aurait aussi aidé dans mon chemin vers le sentiment de légitimité de mon poste.
Carole Richard: Cela m’aurait aidé d’avoir d’autres modèles que ceux qui sont dans notre entourage propre. J’ai dû créer mon propre modèle. Mon parcours aurait été plus rapide, plus éclairé.
Et pour vous personnellement, que représente votre engagement dans WICH?
Noémie Boillat Blanco: L’association est en lien avec mes valeurs. C’est quelque chose que je fais pour la génération d’après et j’y tiens. Je vois de l’espoir que les choses changent et nous accompagnons ce changement pour le rendre possible.
Carole Richard: L’association est importante pour moi pour les valeurs que j’ai envie de prôner et transmettre pour les générations futures. Il est important aussi pour moi de représenter les soins parmi les femmes* cadres.